Récemment, nous avons eu la merveilleuse chance de parler à Muhammed Al-Isa, diplômé de l’école Al Salam, bénévole apprécié de la Fondation des Enfants Syriens (SKF), et étudiant à l’université Concordia à Montréal. Le long voyage de Muhammed de la Syrie au Canada met en évidence sa force, sa résilience et sa bienveillance, ainsi que l’impact réel et viable de SKF sur la prospérité des réfugiés. En partageant son histoire, Muhammed donne un aperçu de l’expérience des réfugiés syriens et démontre l’espoir et l’opportunité que SKF offre à la jeunesse syrienne.

 

La vie en Syrie

Muhammed et sa famille viennent d’Al-Raqqa, une ville située à environ 150 kilomètres à l’est d’Alep. Ils ont d’abord fui les combats en 2012, s’installant dans un petit village où la vie à la campagne relativement paisible avait ses propres difficultés, notamment un manque d’eau , à peine 2 heures d’électricité par jour et aucune éducation de science disponible. Ils sont retournés à Al-Raqqa en 2013, où Muhammed avait l’intention de continuer son éducation, seulement pour que Daesh attaque leur ville au début de 2014. Au cours de ces affrontements, ils ont perdu 2 membres de leur famille – un était son cousin de 13 ans. Muhammed décrit cette période comme la plus difficile qu’il ait jamais traversée.

Sa famille est restée en mouvement de va-et-vient entre différents villages de la campagne et leur ville natale, fuyant les bombardements de la base aérienne proches et constants. En novembre 2014, ils sont retournés dans leur ville, mais toutes les écoles et les campus universitaires ont été fermés en raison des restrictions de Daesh. De décembre à juin, avant ses examens finaux du baccalauréat de douzième année, Muhammed et ses camarades ont poursuivi leur éducation grâce à des cours secrets dans les maisons privées de leurs professeurs. Ils cachaient leurs livres sous leurs vêtements et rendaient visite à une maison différente chaque semaine pour éviter d’attirer l’attention, En juin, Muhammed n’avait nulle part où passer ses examens, car il ne pouvait pas voyager à travers la Syrie sans danger. Et donc comme dernière option, sa famille a fait la traversée difficile et dangereuse vers la Turquie.

 

École Al Salam

Grâce à un ami proche de la famille, la famille de Muhammed était au courant de l’école Al Salam et de ses opportunités d’éducation avant leur arrivée à Reyhanli. Là, Muhammed a pu terminer son diplôme d’études secondaires avec beaucoup de succès, obtenant la deuxième place de son école. Il se souvient du jour de sa remise des diplômes en 2016, comment c’était une journée merveilleuse remplie de sentiments de paix, de nouveaux départs et de communauté.

Pendant un an, Muhammed a essayé de postuler aux universités turques, en vain. Déjà, pour les nouveaux venus qui ne connaissent pas le processus, la langue et les différentes règles d’admission des plus de 100 universités turques (qui ne sont pas nécessairement basées sur les notes), cette route n’est pas prometteuse. Pour compliquer encore les choses, les politiques éducatives turques régissant les universités posent plusieurs obstacles institutionnels aux réfugiés qui souhaitent être admis. Pour plusieurs syriens, les certificats d’études secondaires datés de 2015 et 2016 n’étaient plus acceptés, et les étudiants devaient passer un examen de langue turque, obtenir un nouveau certificat de turc et postuler à nouveau. Pour Muhammed, ce processus d’apprentissage du turc pour se qualifier, passer l’examen et postuler à un autre tour aurait pris au moins 3 ans, sans oublier que les universités turques favoriseraient finalement les étudiants plus jeunes. Alors que ces défis fermaient de nombreuses portes, une s’est finalement ouverte pour Muhammed lorsqu’il a été sélectionné comme l’un des récipiendaires des bourses Concordia de SKF. Alors qu’il était initialement très inquiet à l’idée d’éloigner de sa famille et de son pays, il a commencé à préparer son anglais grâce au programme de tutorat virtuel de SKF.

 

Se préparer pour le Canada

Au début, Muhammed a travaillé avec 4 tuteurs, et il admet que sa connaissance approfondie de la grammaire (notoirement enracinée dans le programme syrien) était largement inutile pour comprendre ses tuteurs anglophones natifs. Cependant, après quelques mois de persévérance dans le programme, son anglais s’est considérablement amélioré et il a obtenu des résultats supérieurs à la moyenne lors de son premier examen blanc du TOEFL. La demande de visa de Muhammed a pris près de 3 ans à être approuvée, la plus longue période parmi les autres récipiendaires. Il a donc pris son temps pour apprendre, travaillant avec près de 20 tuteurs différents sur ses compétences en lecture, écriture, expression orale et écoute en anglais, avant de se concentrer sur l’auto-apprentissage en 2018. Muhammed a même écrit son propre livre de vocabulaire de 150 pages pendant 5 mois, avec de nouveaux mots qu’il a rencontrés en lisant ainsi que leurs définitions, des traductions en arabe, et des exemples d’utilisation.

Se sentant confiant ayant fait des dizaines d’examens simulés, Muhammed s’est inscrit pour passer le TOEFL à Gaziantep en mai 2018 sans en parler à personne, évitant la pression de tous ceux qui attendaient ses résultats. Il a réussi haut la main et il ne restait plus qu’à faire approuver son visa.

Pendant cette période, en plus de travailler, Muhammed a fait du bénévolat partout où il le pouvait à Al Salam. Il a aidé à l’administration, rencontré les parents, surveillé les sorties éducatives et les sports d’été, a servi à la cafétéria, et a organisé les enfants sur le bus Pullman qui les ramène entre l’école et leurs quartiers. Mis à côté les défis inévitables de ces rôles, Muhammed affirme qu’ils ont été des expériences précieuses qui lui ont appris à gérer une pléthore de données, gagner d’expérience sociale, ainsi qu’à utiliser efficacement de programmes tels que Microsoft Word et Excel. Avec ces compétences, il a créé beaucoup de cahiers d’exercices pour le programme d’apprentissage accéléré d’Al Salam, une initiative réussie visant à aider les nombreux enfants qui avaient leur éducation entrecoupée pendant plusieurs années. 

 

Toutefois, rester occupé ne pouvait que distraire Muhammed autant. Il se souvient qu’attendre pour l’ambassade d’approuver sa demande était plus difficile que de préparer son déménagement. Les jours passaient, ses amis obtenaient leur diplôme ou allaient à l’université, et sa famille était perdue quant à sa prochaine action de venir au Canada. Enfin, Muhammed a obtenu une entrevue avec l’ambassade à la fin de 2018, son visa a été approuvé en juillet suivant et il devait voyager à Montréal deux mois après.

 

Plans pour l’avenir et message final

Quant à la vie universitaire, Muhammed a commencé à Concordia au semestre d’hiver 2020 et a persévéré malgré les défis de l’école en ligne pendant la pandémie. Il étudie la kinésiologie et il aime beaucoup la communauté très unie d’étudiants et d’enseignants de son programme. Il parle toujours avec certains de ses amis et professeurs d’Al Salam, et il trouve du réconfort dans les nouveaux amis qu’il a rencontrés à Montréal. Avec 4 semestres à compléter dans son diplôme, Muhammed espère bien se préparer pour l’examen MCAT et poursuivre ses études en médecine au Canada. En dehors de l’école, il a récemment rejoint notre équipe de tutorat pour aider les étudiants d’Al Salam à se préparer pour l’examen d’anglais TOEFL, et nous sommes ravis de l’avoir avec nous!

Finalement, pour son message aux supporters, Muhammed a souligné que SKF ne changeait pas seulement la vie des enfants syriens, mais celle de familles entières. En remontant leurs espoirs de poursuivre des études supérieures et une carrière prospère, SKF permet aux enfants marginalisés de s’aider eux-mêmes et d’aider les autres de manière monumentale. Muhammed lui-même en est un exemple, il souvient en 2014, lorsqu’il s’est débattu avec l’idée que toute sa réussite scolaire n’aboutirait à rien. 

« Ce ne sont pas des dollars vides, » dit-il, « Al Salam est une école spéciale pas comme les autres, et ma vie ainsi que beaucoup d’ autres sont changées pour toujours. »